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Les marques vendent aujourd’hui ce qu’elles jetaient hier

05/03/2020

Les comportements des consommateurs, et des marques, évoluent très vite. Le gaspillage est de moins en moins accepté. Hier, des produits avec de petits défauts, des emballages abîmés ou des dates courtes de consommation pouvaient être retirés du marché. Aujourd’hui, les marques les remettent en vente en toute transparence. Mobilier, mode, alimentation… Tous les secteurs sont concernés. Illustrations.

1Miliboo développe une filière de produits reconditionnés

Une rayure, un léger impact, une petite tache… Que faire des meubles neufs abîmés lors de leur passage dans les stocks ou suite à un retour client ? « Traditionnellement, il est impossible de réinjecter ces produits dans le réseau de commercialisation, explique dans l’émission Innover pour le commerce le PDG et fondateur de Miliboo Guillaume Lachenal. Ils sont soit détruits et recyclés s’ils sont endommagés, soit écoulés sur des réseaux de déstockage. Le flux de produits n’est pas optimisé. Ils disparaissent de notre circuit client alors que notre consommateur est peut-être preneur de ces produits. »

Le site de vente de mobilier en ligne vient de décider de rompre avec ces pratiques peu écologiques : Miliboo lance en ce début d’année le programme « Reconditionné » afin de remettre en état les meubles endommagés et de leur donner une seconde vie. « Leur traitement est réalisé au siège de Miliboo, situé à Chavanod, près d’Annecy (74) », précise Ecommercemag.fr. Après réparation, les meubles sont réemballés et stockés sur place afin d’éviter des coûts et impacts supplémentaires liés au transport et au stockage.

Miliboo a toutefois choisi de ne pas faire de cette offre reconditionnée une clé d’entrée sur son site (elle n’est pas proposée dans un onglet dédié, par exemple). L’internaute la découvre une fois qu’il a sélectionné un article : la fiche produit stipule alors si le meuble est disponible en version reconditionnée. La démarche est totalement transparente pour le client qui est informé des éventuels défauts toujours visibles, et qui bénéficie d’une réduction en fonction de l’état du meuble. Miliboo veut ainsi donner un coup de pouce aux internautes qui hésitent à passer commande. 

2Nordstrom ouvre un magasin de « re-commerce » alimenté par les articles retournés

Aux États-Unis, l’enseigne de grands magasins Nordstrom (comparable aux Galeries Lafayette) est confrontée au même défi que Miliboo : remettre dans le circuit de vente des articles retournés par les clients. « 41 % des consommateurs achètent plusieurs versions d’un produit pour l’essayer avec l’intention de le renvoyer », décrit le site Maddyness. « Selon les secteurs, le taux de retour varie de 10 % à 40 %, voire plus dans la mode et les chaussures », confirme Marie Chaudy, responsable marketing chez Reversio, une startup spécialisée dans la gestion des retours produits. Mais seule une très faible partie de la marchandise retournée est effectivement remise en vente, l’essentiel est bradé à des déstockeurs, donné à des associations de charité, parfois même détruit (une pratique qui sera interdite en France à partir de 2022).

Nordstrom vient de créer son propre circuit de distribution pour donner une nouvelle chance à ces produits retournés ou endommagés. L’initiative baptisée See You Tomorrow se présente comme « une nouvelle expérience de re-commerce ». Concrètement, il s’agit d’un magasin d’articles d’occasion, à la fois online et physique (dans le tout nouveau flagship de Nordstrom à New York), où les consommateurs pourront revendre leurs vêtements. Mais la première source d’approvisionnement vient pour l’instant des articles retournés par les clients et de la marchandise endommagée ou avec un défaut qui n’a pu être mise en rayon.

Évitant le gaspillage, See You Tomorrow permet aussi à Nordstrom de proposer à des prix plus raisonnables des articles de designer. Le site Green Matters a par exemple repéré des sneakers vegan Stella McCartney à 166 $, au lieu de 685 $, leur prix habituel.

3Figaret met en vente ses chemises « imparfaites »

Créé en 1968 à Biarritz, Figaret est devenu une des références de la chemise haut de gamme. Toute production comporte néanmoins son lot d’imperfections et de petites erreurs, comme une surpiqûre trop épaisse. Jusqu’ici, ces pièces étaient « souvent mises au rebut », indique Fashion Network. Mais pour la présidente de Figaret, Éléonore Baudry, « il est temps pour les enseignes de mode de changer. Et de mettre en place un cercle plus vertueux et de meilleures pratiques. On ne peut plus décemment jeter, gaspiller des stocks. »

Figaret va donc mettre en vente ses produits de second choix, en les identifiant avec une étiquette mentionnant le défaut incriminé. Baptisée « À l’imparfait », la démarche a démarré le 2 mars dans quatre des magasins parisiens de l’enseigne, avec un premier approvisionnement de 300 pièces vendues à des prix plus bas que les modèles sans défaut. « ‘À l’imparfait’ est une occasion de faire un geste pour le mieux et de se faire plaisir en même temps », fait valoir Éléonore Baudry.

4Les supermarchés s’engagent à créer des « rayons anti-gaspi »

Connaissez-vous la différence entre la date limite de consommation (DLC) et la date de durabilité minimale (DDM) ? La première s’applique sur les denrées périssables et doit être respectée, les aliments devenant impropres à la consommation (c’est l’indication « À consommer jusqu’au… »). Tandis que la DDM signale simplement que le goût, la couleur ou la texture du produit peut se dégrader, « À consommer de préférence avant… », sans aucun danger pour la santé. Mais selon un récent sondage, 53 % des Français ne font pas la différence et jettent des aliments qu’ils pourraient encore consommer. La mise à la benne, tant par les consommateurs que par les distributeurs, de produits dont la DDM est dépassée représenterait à elle seule 20 % du gâchis alimentaire en France !

La lutte contre le gaspillage, c’est justement le credo de l’application Too Good To Go qui permet de commander des paniers d’invendus alimentaires. En janvier dernier, sa fondatrice Lucie Basch a convaincu 38 acteurs de la chaîne alimentaire de s’engager sur un « Pacte sur les dates de consommation ». Parmi les signataires, Carrefour, Casino, Auchan, Système U, Danone, Nestlé…

Le pacte comporte 10 engagements bien concrets. Comme mettre fin, dans la grande distribution, à la « règle des un tiers/deux tiers ». De quoi s’agit-il ? Cet usage consiste à jeter des produits à peine livrés au distributeur s’il leur reste moins des deux tiers de leur durée de vie. « Un aliment qui se périme au bout de 2 ans, s’il arrivait au magasin moins de 16 mois avant sa péremption, était mis à la benne », illustre pour BFM Lucie Basch. Désormais, ce produit ira quand même en rayon. Et pour éviter le gaspillage, les distributeurs se sont engagés à installer des rayons anti-gaspi où ils réuniront les produits dont la DDM est dépassée. Une expérimentation déjà en place dans une dizaine de magasins Carrefour de Bretagne.

5En Finlande, un « Happy Hour » pour lutter contre le gaspillage alimentaire

Partout en Europe des initiatives fleurissent pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Depuis l’automne dernier, les 900 magasins de la chaîne finlandaise S-market ont ainsi instauré un « Happy Hour » à partir de 21h. L’enseigne utilise ce terme pour désigner une période de rabais exceptionnels sur les produits bientôt périmés. Dans la journée, ils sont déjà vendus 30 % moins cher. Et quand approche la fermeture du magasin, la remise monte à 60 %. Certains clients attendent désormais dans les allées des magasins qu’arrive l’heure des bonnes affaires…

Autre initiative, celle de Lidl en Belgique qui vend depuis peu à des prix très bas des produits à consommer le jour-même. Ils sont placés dans des bacs sous l’appellation « Good taste, no waste ». « Un kilo de viande hachée qui a atteint sa date d’expiration coûte par exemple 50 centimes », illustre le site belge Gondola. Jusque-là, une grande partie de ces produits était donnée aux banques alimentaires. Mais Lidl précise qu’elles ne sont pas victimes de cette nouvelle offre : « Elles obtiennent beaucoup plus, en termes d’argent. La moitié de la vente du produit leur revient, avec quoi elles peuvent faire des achats en fonction de leurs besoins. En été, elles étaient submergées par les tomates et les courgettes… » 

6Auchan expérimente la vente d’occasion dans cinq hypermarchés

Hier temples de la consommation, les hypermarchés s’interrogent aujourd’hui sur leur modèle qui attire de moins en moins de clients. Une des pistes d’avenir pourrait être de favoriser l’économie circulaire. Pour retisser des liens avec les consommateurs, Auchan vient ainsi de lancer un test dans 5 de ses hypermarchés : le distributeur y a installé un espace dédié à la vente et à l’achat de vêtements d’occasion. Les tee-shirts y sont vendus 3 euros, les jupes 5 euros, les pulls 8 euros, etc.

Auchan s’est associé à Patatam, spécialiste de la fripe, auprès duquel il passe commande chaque semaine pour alimenter ses rayons, explique Le Figaro. Mais les clients peuvent aussi venir y vendre leurs vêtements. Pour chaque sac déposé, ils reçoivent un bon d’achat de 5 euros à utiliser dans le rayon textile. Auchan décidera en juin prochain d’élargir ou non le dispositif à l’ensemble des hypermarchés.

De son côté, Leclerc qui expérimente depuis 2018 la vente et l’achat de produits d’occasion a lui déjà décidé de passer à la vitesse supérieure. D’après Linéaires, le distributeur vise l’implantation de 130 Leclerc Occasion d’ici la fin 2020. Ici, pas de vêtement, mais tous les autres types d’objets et d’appareils (électroménager, hifi, jeux vidéo…). En retour, les vendeurs reçoivent également des bons d’achat à dépenser dans le magasin. Un concept qui peut rappeler celui des Trocathlon créés par Decathlon… en 1986 ! Ces opérations de vente d’articles de sport d’occasion expertisés par un vendeur existent toujours en magasins, mais fonctionnent aussi désormais toute l’année grâce à un site dédié.

7The North Face forme ses designers à une mode plus durable

Faire durer les vêtements plus longtemps. C’est un des objectifs qu’affiche The North Face. Pour y parvenir, la marque vient de décider d’envoyer, par groupe de cinq, ses 70 designers américains dans un programme baptisé Renewed Design Residency. Ils s’intéresseront, par exemple, à la façon de renforcer les vêtements là où apparaissent les signes d’usure. Ils verront aussi comment utiliser les fermetures éclair les plus résistantes.

Mais l’enjeu d’une mode plus durable va au-delà. Fast Company, qui a rencontré ces designers en formation, souligne que les consommateurs renouvellent aujourd’hui plus souvent leur garde-robe ; depuis l’an 2000, le nombre de fois où un vêtement est porté a diminué, en moyenne, de 36 %. Le défi est donc aussi d’arriver à concevoir des vêtements plus intemporels, dans un style qui ne sera pas démodé, et donc pas jeté, l’année suivante.

8Hermès a créé « Petit h » pour réutiliser ses chutes de cuir et de tissus

Pour boucler cette sélection, une initiative précurseuse. Celle d’Hermès qui a créé en 2010 « Petit h ». Il se présente comme un « laboratoire de récréation », selon Le Luxe est vivant, avec comme principe de fabriquer de petits accessoires à partir des chutes de cuir et de tissus de la griffe de luxe. Sacs, porte-monnaie, brosses, pinces à linge… Des objets en vente dans des expositions temporaires dans le monde entier, et à Paris à la Quincaillerie Petit h, au 17, rue de Sèvres.