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Inclusion : les projets de Carine Kraus, Directrice de l’Engagement du groupe Carrefour
25/05/2023Renforcer la démarche d’inclusion : c’est l’un des objectifs du plan stratégique 2026 de Carrefour. Directrice de l’Engagement du groupe, Carine Kraus fait le point sur les actions en cours et à venir. L’enseigne, qui est un des plus grands employeurs de France, vient notamment de lancer une grande enquête avec Ipsos sur la diversité d’origine de ses collaborateurs.
Vous êtes Directrice de l’Engagement du groupe Carrefour, membre du Comex. En quoi consiste votre fonction ?
Carine Kraus : Comme les Directions de l’Engagement peuvent avoir des périmètres différents selon les entreprises, j’aime bien définir ma mission en décrivant ce que je fais au quotidien. J’ai la responsabilité de quatre pôles. Le premier, c’est la RSE, qui regroupe notre engagement en faveur du climat, de la biodiversité, des matières premières sensibles, et, surtout, chez Carrefour, en faveur de la transition alimentaire pour tous, inscrite dans notre raison d’être. Le deuxième, c’est la diversité et l’inclusion, c’est-à-dire tous les sujets liés à la diversité hommes-femmes, à la diversité des origines, au handicap, à l’inclusion des salariés LGBT+… Le troisième pôle concerne la Fondation Carrefour et les actions de mécénat et de solidarité que nous menons, et enfin, le quatrième et dernier pôle concerne la marque employeur.
En anglais, ma fonction se traduit par Chief Impact Officer. Mon objectif est en effet de maximiser l’impact – positif ! – que nos actions à tous chez Carrefour peuvent avoir sur nos parties prenantes : nos clients, nos salariés, nos fournisseurs, nos actionnaires, les ONG avec lesquelles nous travaillons…
C’est une fonction qui a été créée il y a un an…
Exactement. Elle a été créée en février 2022 par Alexandre Bompard, le PDG du groupe, qui m’a d’ailleurs recrutée lorsqu’il a créé cette fonction. J’avais passé auparavant dix années chez Veolia. La nouvelle Direction de l’Engagement créée en 2022 rassemble des missions qui existaient déjà au sein de l’entreprise, mais qui avaient des rattachements hiérarchiques différents. Alexandre Bompard a considéré que cela faisait du sens de créer des synergies entre ces différentes fonctions et de faire travailler ensemble les équipes. Il a aussi souhaité que la Direction de l’Engagement soit positionnée au niveau du Comex, pour que la voix de la Direction de l’Engagement porte à parts égales avec les autres directions de l’entreprise et pèse dans les arbitrages internes.
Carrefour est aujourd’hui très actif sur le terrain de l’inclusion. Parmi ses dernières décisions remarquées, des jours de congés supplémentaires pour les femmes souffrant d’endométriose (des règles particulièrement douloureuses). Le sujet de l’inclusion est plus visible car le groupe communique plus ?
Je ne crois pas que cela soit une question de communication. Nous sommes, je pense, plus engagés qu’il y a quelques années sur les sujets de diversité et d’inclusion, et cela tient à plusieurs facteurs. Le premier, et non des moindres, est l’engagement fort et la conviction de notre PDG, Alexandre Bompard. Sur ce sujet, plus que sur d’autres encore, il faut que la volonté parte d’en haut, sinon, c’est difficile de faire bouger les lignes. Ensuite, Carrefour est un des premiers employeurs privés en France, au Brésil et dans la grande majorité des pays où nous sommes présents. Nous avons une responsabilité sociétale, en tant que gros employeur, à avancer et faire bouger les lignes sur le sujet de l’inclusion.
Être une entreprise plus inclusive permet aussi d’attirer des salariés chez nous. On le sait, la grande distribution a parfois du mal à recruter des collaborateurs. Agir en faveur de l’inclusion facilite les recrutements et permet de fidéliser nos collaborateurs. Enfin, la diversité est utile pour mieux comprendre nos clients. Les équipes diverses en magasin comprennent mieux nos clients et leurs besoins.
L’inclusion a été placée au haut niveau de l’agenda du groupe : le renforcement de cette démarche fait partie des objectifs du plan stratégique 2026 de Carrefour. Qu’est-ce que cela a changé ?
C’est bien de parler d’inclusion, mais il faut des moyens, à la fois financiers et humains, pour avancer. Je vais prendre l’exemple de la politique du handicap. Alors que nous étions déjà au-delà des 6 % obligatoires de salariés en situation de handicap chez Carrefour en France, grâce à une politique handicap menée de longue date, nous en avons fait la grande cause de notre Plan stratégique Carrefour 2026, à la fois pour nos collaborateurs, avec un engagement de passer de 11 000 collaborateurs à 15 000 collaborateurs en situation de handicap dans le Groupe, et pour nos clients, en facilitant le parcours en magasin pour nos clients en situation de handicap.
C’est une ambition très forte, qui nécessite à la fois des investissements supplémentaires, pour acheter des chariots adaptés aux fauteuils roulants en magasin par exemple, mais aussi une attention de tous les instants de nos équipes. C’est donc important de la mettre au niveau le plus élevé de l’entreprise, au sein du Plan stratégique, pour en rappeler l’importance. Notre politique handicap a également été intégrée dans notre Indice RSE, qui comprend les 15 principaux indicateurs RSE du Groupe, et qui représente jusqu’à 20 % de la rémunération variable des managers du Groupe.
Quels sont les autres critères de cet indice RSE ?
Il comprend 15 indicateurs qui s’organisent en quatre blocs. Un bloc produit, pour renforcer l’offre durable, bio, végane… Un bloc magasin, pour réduire la consommation d’énergie et les émissions de CO2. Un bloc collaborateurs : sont-ils satisfaits de Carrefour ? Et un bloc clients, là où se trouve l’accessibilité de nos magasins ou encore la manière dont ils perçoivent notre stratégie de transition alimentaire pour tous.
En termes d’accessibilité, Carrefour facilite aussi l’accueil des personnes atteintes de troubles du spectre autistique en instaurant une « heure silencieuse » hebdomadaire dans plus de 1 000 de ses magasins en France…
L’idée vient d’Argentine. Un patron de magasin a un fils autiste et s’est rendu compte qu’il ne pouvait pas aller faire des courses du fait de l’agitation des magasins. Il a eu l’idée de réduire la lumière et les bruits. Cela a ensuite été dupliqué dans nos autres magasins en Argentine, puis partout chez Carrefour. Cela vient vraiment d’une initiative terrain.
C’est une forme de conception universelle : on se rend compte qu’il n’y a pas que les enfants atteints d’un trouble du spectre autistique qui en bénéficient. Beaucoup de personnes âgées viennent à ce moment-là, et aussi des personnes plus jeunes qui recherchent du calme pour faire leurs courses. Quand nous mettons en place des actions pour un public en particulier, cela touche souvent un plus grand nombre de clients. Quand nous augmentons par exemple la taille des inscriptions sur les paquets pour les personnes malvoyantes, cela sert aussi à des personnes âgées. C’est une conception universelle de nos produits et de nos magasins, à laquelle nous sommes très attachés.
Quelle est l’initiative dont vous êtes la plus fière ?
Les jours d’absence pour les femmes souffrant d’endométriose. En tant que femme, je vois là un sujet « féministe » : arrêter d’accepter que des femmes souffrent en silence en considérant que c’est normal que les femmes souffrent et que cela existe depuis la nuit des temps.
Et la mesure dont on ne parle pas assez ?
Nous menons localement de nombreux partenariats pour l’emploi avec des associations qui aident des publics vulnérables. Nous le faisons par exemple pour des réfugiés, des personnes qui sortent de prison, des femmes victimes de violences conjugales. Cela touche des publics limités en nombre à chaque fois, car ce sont des actions sur mesure, si on veut qu’elles soient efficaces. Pour les réfugiés par exemple, il faut les aider à trouver un logement, à apprendre parfois le français, à régler des questions administratives, etc. À notre échelle, ce sont de petits nombres de personnes concernées. 20 personnes, 50 au maximum. Cela demande beaucoup d’investissements de nos équipes, mais comme nous sommes un groupe de 100 000 personnes, on parle moins de ces initiatives, mais qui pourtant recueillent un très bel accueil sur le terrain.
Quels sont vos prochains projets ?
La diversité d’origine. C’est quelque chose qui me tient à cœur. Nous avons lancé ce printemps une grande enquête avec Ipsos pour interroger l’ensemble de nos salariés en France, en leur demandant où sont nés leurs parents et leurs grands-parents, en conformité bien sûr avec la loi. Cela permettra d’avoir un état des lieux de la situation et, à partir de là, nous lancerons un plan d’actions pour promouvoir la diversité d’origine dans le management. Sans faire de quota ni de discrimination positive.
L’autre sujet important chez nous, c’est le handicap. Nous avons encore plein de choses à faire pour rendre nos magasins plus inclusifs. Des choses simples pour lever des irritants et des problèmes d’accessibilité. Pour aller plus loin, nous avons aussi lancé un concours international d’innovations, demandant aux startups quelles étaient leurs idées pour améliorer l’expérience et le parcours d’achat des personnes souffrant de handicap. À l’issue de ce concours, trois innovations seront testées dans nos magasins.
Est-ce que ces actions en faveur de l’inclusion ont changé l’état d’esprit en interne ?
Il y avait beaucoup d’initiatives engagées et l’état d’esprit a toujours été très ouvert chez Carrefour, où la mixité et l’inclusion sont au cœur de nos valeurs. Les équipes RH, sous l’égide de Jérôme Nanty, sont mobilisées depuis longtemps sur les sujets de diversité et d’inclusion, et travaillent depuis longtemps à diffuser ces valeurs et ces actions au sein de l’entreprise.
Notre objectif est de capitaliser sur ces acquis et de continuer à aller plus loin. Sur les sujets LGBT+ par exemple, Alexandre Bompard a signé l’an dernier la Charte de l’autre cercle, qui fixe les bonnes pratiques à adopter pour lutter contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle. Nous avons créé un réseau interne LGBT+. Je pense que cela fait du bien aux salariés qui peuvent parler plus ouvertement des difficultés qu’ils peuvent rencontrer. Cela aide l’entreprise à se moderniser sur ce sujet et à en finir avec les tabous et les non-dits.