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Voyages-SNCF : « À l’écoute du client, nous sommes entrés dans une logique de bêta perpétuelle »
19/11/2015Premier site d’e-commerce en France, Voyages-SNCF est doté depuis décembre 2014 d’une direction de l’expérience client. Cela a changé la façon d’écouter les clients, de concevoir le site, et même de travailler en interne, l’organisation devenant plus agile. « De distributeur de services, nous devenons fournisseur d’expériences du voyage », explique Pascal Lannoo, Directeur Customer Experience Digitale de Voyages-SNCF. Interview.
Qu’est-ce qui a motivé la création chez Voyages-SNCF d’un département dédié à l’expérience client ?
Pascal Lannoo : Cela part de la volonté très forte de la direction de faire de l’expérience client un « asset », un actif de l’entreprise, nous permettant de nous différencier, dans un contexte concurrentiel de plus en plus intense et animé. Le département Expérience Client a ainsi été créé en décembre 2014 pour placer véritablement le client au centre de nos actions. En se basant non plus sur ce que l’on suppose des attentes des clients, mais sur leurs comportements et leurs usages réels, et sur ce qu’ils expriment vraiment.
Nous voyons arriver de nouveaux acteurs de la « share economy », sur le secteur de la location entre particuliers par exemple : comme nous, ils n’ont pas d’influence sur leur inventaire mais ils ont compris qu’ils n’avaient d’autre choix que d’être d’excellents distributeurs et se sont ainsi créés autour de l’idée de mettre l’expérience client au dessus de tout. Cela contribue à une prise de conscience chez Voyages-SNCF : de distributeur de services, nous devenons fournisseur d’expériences du voyage.
Comment s’exprime cette notion de fournisseur d’expériences autour du voyage ?
C’est une notion un peu intangible, comme peut l’être un service. Nous nous concentrons sur un enjeu majeur : transformer les différentes étapes du parcours client en une seule séquence. Un seul continuum pour un parcours sans contours, que ce soit entre la recherche d’information et l’achat, ou en passant d’un device à un autre. Aux yeux du client, cela ne doit constituer qu’une seule séquence. Ce qui nécessite pour nous un travail d’envergure pour optimiser la conversion en partant des besoins des clients.
Je prends souvent l’exemple du premier étage des magasins Ikea. Au rez-de-chaussée, Ikea propose son offre par rayons, les tapis avec les tapis, les armoires avec les armoires, etc. En revanche, au premier étage, les produits sont mis en scène selon l’expérience réelle qu’en a le client. Chez soi, personne n’a en effet de pièce remplie uniquement de tapis ou d’armoires ! C’est tout notre enjeu : mettre en scène l’offre selon la façon dont le client en a vraiment besoin.
Cela donne lieu à quels types de changements sur le site ?
Voici un exemple emblématique : avant, quand on voulait partir avec son vélo en vacances, c’était très compliqué. Cette possibilité arrivait très tard dans le parcours client, et s’apparentait à du cross-selling. Dans un prisme produit, emmener son vélo avec soi était en effet considéré comme un service additionnel. Alors que pour le client, cela pouvait être un élément essentiel et déterminant. Et il s’inquiétait de ne pas se voir proposer cette option au début de son parcours sur le site. Désormais, quand un client a le projet de voyager avec son vélo, le choix lui est proposé beaucoup plus tôt. C’est un exemple parmi d’autres. Nous travaillons aussi sur la façon de réserver des billets quand on part en famille. L’idée directrice est de proposer au client une mise en scène comme il se l’imagine.
Comment arrivez-vous à prendre en compte ce que veulent vraiment les clients, et non pas ce que l’on en suppose ?
Nous avons mis en place des panels clients non seulement pour valider l’intérêt d’un service ou d’une nouvelle fonctionnalité, mais aussi plus en amont dans la réflexion, de façon à explorer avec eux de façon heuristique, propice à la découverte, le champ des possibles pour faciliter leur expérience du voyage. Il s’agit de discussions très ouvertes, où le client parle librement pour exprimer ses besoins mais aussi ses frustrations.
Nous pratiquons aussi volontiers une approche par clients dits extrêmes. Nous sommes ainsi très à l’écoute des clients réfractaires au digital et à l’achat en ligne, ainsi que des clients « ultras », c’est-à-dire l’autre extrême, comme les early adopters. C’est une méthode passionnante, car on s’aperçoit que les réfractaires et les ultras ont souvent des besoins convergents. La dématérialisation des services peut ainsi permettre de convaincre des « digitaux sceptiques ». Un service comme le billet de train électronique, que l’on présente au contrôleur sur son smartphone, et qui va au bout de la logique de digitalisation, va ainsi séduire, par sa simplicité d’usage, des clients au départ réfractaires au numérique.
Vous obtenez aussi des feedbacks de vos clients via le site Voyages-SNCF ?
En ce mois de novembre, nous publions une nouvelle page d’accueil qui a été exposée plusieurs mois à une partie réduite de notre audience pour recueillir leurs feedbacks et la faire évoluer. Cela montre un autre changement très fort : nous nous inscrivons désormais dans une démarche de bêta perpétuelle.
L’époque où l’on travaillait 12 mois, parfois plus, sur la nouvelle version d’un site, en reprenant à zéro en cas de feedback inattendu ou déconcertant des clients, est en train de s’éloigner. Un nouveau style de management très agile se met en place. Nous devons maintenant être en capacité de mettre en ligne tous les 15 jours si besoin une nouvelle fonctionnalité ou des mesures correctives pour tenir compte des retours clients. Cette agilité fait partie intégrante de l’expérience client.
D’ailleurs, pour être plus près encore de nos clients, nous leur donnons les clés du site, ou presque : dans le cadre d’une nouvelle organisation plus réactive, nous développons un « lab » où nous co-construisons le site avec nos clients.
Quels sont les autres enjeux pour Voyages-SNCF ?
La socialisation. Les sites qui désormais créent les nouveaux usages se distinguent non seulement par leur capacité à créer des interactions avec leurs clients, mais aussi entre les clients eux-mêmes. Pouvoir générer des interactions est constitutif d’une expérience client réussie. Nous avons par exemple mis en place un tchat communautaire, permettant aux clients de se donner des tuyaux entre eux, autour d’une destination de voyage, pour trouver les bonnes correspondances ou pour tirer le meilleur parti d’une carte jeune.
Ce n’est pas un forum, c’est bien un tchat en temps réel qui se déclenche selon le niveau d’hésitation, notamment. Et ce sont des clients volontaires qui répondent, avec très peu de modération. C’est un verrou qui a sauté chez nous : l’inquiétude de ce que les clients pouvaient se dire entre eux. L’idée, c’est que l’on n’y partage pas des informations, mais bien des expériences. D’ailleurs, ce tchat n’a pas fait baisser le nombre de sollicitations auprès des téléconseillers du site, sur des questions de paiement par carte bleue par exemple. Mais il augmente les échanges car il apporte autre chose aux visiteurs. Et il montre bien notre intention d’accompagner dans la réussite du voyage.